Roman Lead Seals from Trier
The 20/06/2025 in Rome
Responsables : Jacques Chiffoleau (CIHAM - UMR 5648 / EHESS), Emanuele Conte (Université Rome 3), Igor Mineo (Université de Palerme), Julien Théry (Université de Montpellier).
Les sciences humaines ou sociales ont toujours quelque difficulté à intégrer le droit et les pratiques administratives dans le champ de l’histoire. Plusieurs programmes complémentaires, consacrés à différents types de sources juridiques ou normatives, se proposent de démontrer l’historicité du droit mais aussi de prendre en compte la temporalité propre aux normes juridiques et aux modes de gouvernement médiévaux. Ces recherches sur le droit et les institutions de l’Italie ou de la papauté médiévales se fonderont sur une approche comparatiste et prendront en considération leurs héritages antiques et leurs prolongements modernes et contemporains. Si les sciences humaines ou sociales, et notamment l’histoire, ont toujours quelque difficulté à intégrer le droit dans leurs analyses, à reconnaître la logique propre aux institutions et, comme l’écrivait Yan Thomas, « à rendre compte de l’arbitraire et de l’artificialité de l’institué comme tel », il paraît indispensable de créer des lieux d’échanges et d’apprentissages qui favorisent cette intégration, facilitent la création d’une culture commune entre juristes et historiens, permettent d’affirmer l’historicité du droit mais aussi de prendre en compte la temporalité propre aux normes juridiques. C’est à quoi voudrait contribuer le séminaire annuel dont nous proposons la création à l’Ecole française de Rome. Un séminaire qui porterait notamment sur la normativité juridique et les modes de gouvernement médiévaux, mais qui donnerait aussi une très large place à leurs prolongements modernes et contemporains, tiendrait évidemment compte des héritages antiques et devrait mobiliser, autant que faire se peut, une démarche comparatiste.
Ce séminaire, qui contribuerait à valoriser la présence au Palais Farnèse de la Bibliothèque Volterra et de ses ressources en droit romain et en droit canonique, rassemblerait à la fois des chercheurs ou des enseignants-chercheurs confirmés et une doctorants ou post-doctorants autour d’un thème commun impliquant à chaque fois l’analyse des matrices médiévales des normativités contemporaines et portant principalement, pour ces premières années, sur les modes de gouvernement. Au cœur de ces travaux, qui s’appuieront toujours sur un indispensable retour historiographique, on essaiera surtout d’approcher d’abord ce mode normatif gestionnaire si particulier qu’est l’administration, dont la matrice est, pour une bonne part, l’ordre canonique – un ordre non pas légal mais précisément administrativo-pastoral –, et qui s’est développé en Europe entre l’Antiquité tardive et le XVIIIe siècle. Un ordre souple, parfois assez hétéroclite, où c’est le mode, la mesure, l’adaptation, l’expédient, la relaxe, la dispense qui dominent et dont on retrouve les règles, les règlements qui adaptent - et non les lois qui sanctionnent - dans la plupart des systèmes gestionnaires ou managériaux contemporains. Alors que la justice apparaît comme un exercice casuistique et discontinu du pouvoir adossé à la loi, l’administration apparaît alors comme un exercice du pouvoir pragmatique, continu et souvent préventif, qui comme la règle monastique a la prétention d’ordonner les vies entières, du soir au matin et du matin au soir.
Sans négliger l’analyse des positions sociales, culturelles et politiques des juristes eux-mêmes et en accordant, encore une fois, une très grand importance à l’analyse historiographique et à l’héritage juridique romain, réactivé et réinventé puissamment à partir du XIIe siècle, il ne s’agira donc pas en priorité de suivre des filiations de doctrine, de contribuer à une classique « histoire des idées » ou de partir à la recherche d’on ne sait quelles « origines canoniques » de l’administration contemporaine. Il s’agira bien plutôt, à partir de l’analyse casuistique et des catégories gestionnaires et des dispositifs les plus concrets – ceux du droit ancien comme ceux de l’administration et de la gestion contemporaine – de mettre en évidence leurs formes stables et leurs temporalités spécifiques. C’est la première condition pour comprendre leur place dans des formations sociales données. Pour réinstaller le droit dans l’histoire. Mais cela devrait permettre aussi de mieux prendre en compte la temporalité propre aux normes juridiques, que les historiens ont du mal à reconnaître, et leur capacité spécifique de mise en forme du réel. Cela implique enfin, d’une façon complémentaire, de mobiliser des approches de type « Law and Humanities » qui permettraient non seulement de développer un comparatisme entre la common law et le droit européen continental, éventuellement même avec des normativités extra-européennes, indispensables aujourd’hui pour comprendre les enjeux et les faux semblants des normativités contemporaines en temps de globalisation, mais aussi qui chercheraient à ouvrir très largement le droit aux autres sciences sociales, aux sciences humaines et aux arts, pour rompre l’isolement où celui-ci se trouve encore souvent. Toujours en réinstallant l’exégèse et la casuistique dans les contextes polémiques ou judiciaires, ainsi que dans les rapports de force et les pratiques où elles prennent racine et qu’elles servent, ce qui suppose évidemment aussi l’apprentissage en commun des techniques érudites qui y donnent accès. Il serait souhaitable que ces travaux aboutissent éventuellement à la rédaction en commun d’un essai consacré à ce champ et à cette approche spécifique.
Partenaires
Opérations prévues
- 2013 : formation doctorale et post-doctorale : "la normativité et les modes de gouvernements médiévaux"
- 2015 : formation doctorale et post-doctorale "Autour du chef : pour une histoire du commandement et de l'autorité"
Résultats attendus
Publications d'une sélection d'articles issus des semaines doctorales et postdoctorales
Partenariat EFR
Support logistique ; éditeur
Responsables :
Jean-Marie Martin (CNRS, Orient et Méditerranée - UMR 8167), Cristina Carbonetti-Vendittelli (Roma 2-Tor Vergata).
Il n'existe pas pour l'Italie de répertoire des cartulaires semblable à celui d’Henri Stein pour la France. L'Italie a pourtant produit, à la fin du XIe et surtout au XIIe siècle, dans ses régions centro-méridionales, les imposants cartulaires-chroniques (ou ensembles de cartulaires et de chroniques) compilés à Farfa, à S. Sofia de Bénévent, au Mont-Cassin, à S. Vincenzo al Volturno, à S. Clemente a Casauria, à S. Benedetto di Carpineto. A côté des constructions complexes, il existe une quantité de simples cartulaires (tel celui de S. Maria del Gualdo), qui ne se distinguent de la production française que parce qu'ils contiennent presque exclusivement des copies d'actes notariés ; on peut d'ailleurs se demander si l’existence précoce d'un notariat en Italie a eu une influence (et laquelle) sur la compilation des cartulaires. La compilation de séries d'actes n'est d'ailleurs pas strictement limitée à la période prise en compte. On peut certes remonter difficilement au-delà de la seconde moitié du Xe siècle, époque à laquelle a été compilé (entre 966 et 983) le « Codice bavaro », cartulaire de la cathédrale de Ravenne, écrit sur papyrus : il ne semble pas que l'époque carolingienne ait utilisé de telles copies. En revanche, le rassemblement de copies d'actes s'est poursuivi bien après le XIIIe siècle : ainsi, à la fin du Moyen Âge et au début du XVIe siècle fut compilé l'« Antico inventario » du monastère des SS. Severino e Sossio de Naples ; de la même période et des siècles suivants datent de nombreux « Libri rossi », concernant souvent une ville et non un établissement religieux particulier : ainsi le Liber rubeus de Faenza (XVIIIe siècle) ; également au XVIIIe siècle, l'archevêque Annibale De Leo rassemblait les copies des documents de sa cathédrale (aujourd'hui en majeure partie perdue) et deux entreprises semblables étaient menées au Mont-Cassin. Mais plus on avance dans le temps, plus la finalité de la compilation change, passant d'un but pratique — conserver la mémoire des biens — à une vision purement historique : ce ne sont plus des cartulaires à proprement parler ; c'est pourquoi on compte choisir pour terme le XIIIe siècle.
Une place à part doit être réservée aux « condaghi » sardes, qui ne sont pas sans parenté avec les cartulaires, mais sont établis dans un cadre juridique et documentaire radicalement différent de celui de l'Italie continentale. On s'efforcera d'établir une chronologie plus précise de la compilation des véritables cartulaires, presque tous établis au sein d'une institution monastique, dans le but de sauvegarder et d'administrer son temporel ; presque tous se présentent comme des volumes, mais un au moins, le cartulaire grec de la cathédrale d'Oppido en Calabre, est un rouleau. La presque totalité est axée sur la propriété foncière (et sur les droits et privilèges) ; mais on sait que le Liber largitorius de Grégoire de Catino est un cartulaire des concessions de Farfa. On tiendra compte également de quelques faux cartulaires, ceux notamment dont Pierre Diacre s'est fait une spécialité dans la première moitié du XIIe siècle (Registrum sancti Placidi, Epitome chronicorum Casinensium). Sur ces bases, on pourra établir une grille typologique dans laquelle on placera les diverses unités, qu'on s'efforcera de dater (quand ce n'est pas encore fait). ILe temps est donc venu de tenter une synthèse sur le sujet, c'est-à-dire d'une part de repérer les cartulaires italiens et d'en faire un catalogue avec une bibliographie, d'autre part d'en proposer une étude qui tienne compte de la géographie, de la chronologie et, surtout, de la typologie.
Partenaires
Opérations prévues
Une réunion annuelle, peut-être parfois deux, et quelques éventuelles missions dans des archives italiennes ; publications d’articles dans des périodiques (par exemple les MEFRM).
Résultat attendu
Un ouvrage de synthèse
Participation EFR
Support logistique ; éditeur
Responsables :
Arnaud Fossier, Johann Petitjean, Clémence Revest
Ce projet est né du constat auquel nous ont conduits tant nos propres expériences au cours de dépouillements de divers fonds d’archives diplomatiques que la lecture de travaux récents autour de la scripturalité administrative entre fin du Moyen Âge et début de l’époque moderne : le constat de la répétitivité. Une répétitivité des formes, des styles, des dispositifs et des usages qui nous semblait esquisser les contours d’un langage administratif trans-étatique en gestation. Cette forme de banalisation des écritures de l’autorité publique doit être comprise dans le sillage d’une mutation radicale des pratiques de l’écrit, de la « révolution documentaire » du XIIe siècle à la massification et à la diversification progressives des instances productrices et utilisatrices à compter du XVIe siècle. Entre le XIIe siècle et le XVIIe siècle s’est également déroulée une longue phase de construction, de consolidation et de sophistication des États européens considérés dans leurs dimensions territoriale, judiciaire, militaire, fiscale, diplomatique et administrative. Ici se situe à nos yeux une articulation problématique majeure entre la genèse de nouvelles techniques de l’écrit et les mutations des appareils d’État. Notre projet part de l’hypothèse que ces deux processus ne sont pas parallèles, mais interdépendants. Les pouvoirs publics ont pu se configurer administrativement, voire se bureaucratiser, parce qu’ils usaient d’instruments écrits de gouvernement. Réciproquement, de tels instruments, leurs formes, leurs techniques, leurs dispositifs propres, se sont développés au fur et à mesure que les États, plus largement les autorités publiques, tâchaient de se légitimer et de se maintenir. Dans quelle mesure l’efficacité gouvernementale, qui est l’un des principes à la fois théorique et pratique du développement des États, exige-t-elle des instruments de travail écrits ? Selon quels critères identifier, classer et analyser ces derniers ? Le projet voudrait répondre à ces questions en comparant les problèmes, les solutions et les instruments utilisés, en identifiant d’éventuels modèles et de probables évolutions.
L’un des écueils principaux de cet espace de réflexion est l’ampleur considérable des sources potentiellement concernées, qui découle de la difficulté à définir ce qu’est une « écriture grise ». Nous avons par conséquent pris le parti de restreindre notre domaine d’enquête aux instruments du travail administratif. Par la méthode comparatiste qu’il promeut, notre projet de recherches tentera de délimiter, voire, à terme, de typologiser ce corpus, qui demeure très étendu. Pour éviter le risque d’éparpillement, nous prendrons essentiellement en compte les outils de gestion et d’administration produits en interne par les différentes institutions concernées : formulaires, recueils de lettres, compilations de modèles de documents par exemple. Il ne s’agit pas d’examiner un type de source ou d’ensemble textuel, mais de prendre en considération ce dont les autorités publiques se servaient, au quotidien, pour produire des actes. Nous exclurons ainsi du champ d’investigation les instruments de travail tels que les traités, les sommes ou les collections juridiques conçus à l’extérieur des institutions gouvernantes. Nous insisterons sur l’émergence et la diffusion de modèles administratifs d’écriture et tenterons d’inventorier les usages qui pouvaient être faits de tels documents : outils au quotidien, de gestion, de communication, ou supports de mémoire, ils relèvent de stratégies différenciées et locales que nous essaierons de dégager. En analysant l’élaboration, la diffusion et les usages de ces instruments de travail, nous parviendrons peut-être à mieux définir ce que pouvaient être les machines administratives entre le XIIe et le XVIIe siècle, leurs configurations, leurs modes de fonctionnement, ainsi que leurs principes communs et leurs différences. Notre démarche se veut résolument comparatiste comme l’attestent les frontières géographiques données au projet. Prendre en compte l’Italie, c’est accorder aux communes, à la chancellerie impériale, ou à la Curie romaine le rôle qui leur revient dans le long processus d’« administralisation » de l’autorité publique en Occident. Soulignons que de nombreuses innovations scripturaires et administratives sont le fait des petits États territoriaux, notamment italiens, et sans doute de certaines chancelleries épiscopales, dont l’importance en la matière reste à évaluer. Dans le Sud de la France, les notaires des pouvoirs urbains, la papauté d’Avignon, puis les différents pouvoirs princiers qui se sont succédé en Provence comme dans le Languedoc, ont également joué un rôle pionnier, dans l’usage pratique, par exemple, qu’ils ont fait du droit savant. Quant à la péninsule ibérique, elle a accueilli, au cours de ces six siècles d’histoire, parmi les chancelleries royales les plus productives du point de vue de l’écrit. Au XVIe siècle, ses souverains et ses administrateurs se sont en effet trouvés confrontés à des problèmes inédits posés par la conquête puis la gestion et l’exploitation économique du sous-continent américain. Il serait particulièrement intéressant de comparer les solutions adoptées avec celles utilisées par les administrateurs en charge des régions de la péninsule italienne placées sous autorité espagnole. Nous ferions ainsi de l’Europe méridionale occidentale un laboratoire, parmi d’autres, de la formation, par l’écrit, des administrations publiques. À terme, l’objectif est de tenter la cartographie historique des foyers émetteurs d’innovation scripturaire et de la circulation des techniques administratives en vigueur dans cette aire méridionale restreinte. Peut-on observer le transfert de modèles d’écriture administrative, voire l’utilisation d’une langue administrative partagée à l’échelle européenne ? C’est sans doute en tentant de répondre à ce type d’interrogations très larges que nous parviendrons à isoler l’objet historiographique qu’est l’administration dans le double sens que nous lui avons assigné plus haut – à la fois organe bureaucratique et exercice effectif du pouvoir. Une enquête de cette ampleur devrait à tout le moins permettre de mieux comprendre comment et à quels moments ont pu se diffuser des logiques et des procédés d’administration communs à l’Europe méridionale.
Partenaires
Opérations prévues
2012 : une séance préliminaire à l’automne 2012.2013-2015 : trois journées d’études « Techniques d’écriture » ; « Usages et fonctions des instruments du travail administratif » ; « Circulation de modèles et invention d’une langue administrative européenne ? »
Résultats attendus
Un ouvrage de synthèse publié dans la CEF qui rende compte de l’enquête menée sur le temps long et sur un corpus hétérogène, les chapitres seraient regroupés sous trois parties correspondant aux axes suivis. Le livre pourrait être remis à la fin de l’année 2016.
Participation EFR
Partenaire principal ; éditeur
Page translated from French, last update //
Programmes structurants (2022-2026)Axe 1 – Espaces maritimes, littoraux, milieux insulaires Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire Axe 3 – Population, ressources, techniques
Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté
Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses Axe 6 – L’Italie dans le monde |
Projets financés par l'Agence nationale de la Recherche (ANR)Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire
Axe 3 – Population, ressources, techniques Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté
Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses
Axe 6 – L’Italie dans le monde
|
Projet franco-allemand financé par l'Agence nationale de la Recherche (ANR) et la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG)Axe 6 – L’Italie dans le monde
|
Projets européens (Horizon 2020)Axe 1 – Espaces maritimes, littoraux, milieux insulaires
Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses |
Projets ImpulsionAxe 2 – Création, patrimoine, mémoire
Axe 3 – Population, ressources, techniques
Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté
Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses
|