. Statuts, écritures et pratiques sociales dans les sociétés de la Méditerranée occidentale à la fin du Moyen Âge (XIIe-XVe siècle)


Axe 4. Le laboratoire politique et social italien

Responsable : Didier Lett (Université Denis-Diderot, Paris 7)


- Entre le XIIe et le XVe siècle, les communautés médiévales ont livré une documentation abondante et variée : statuts communaux, délibérations communales, ordonnances urbaines, criées, documents comptables, fiscaux et judiciaires, actes notariés, etc. Cette documentation a déjà été largement exploitée par les historiens, soit, de manière conjointe, dans le cadre de monographies locales ou régionales soit, de manière séparée, sur un thème spécifique concernant la vie d’une ou de plusieurs communautés. Pour de nombreux historiens et historiens du droit, les textes statutaires représenteraient une norme plus ou moins rigide à laquelle le notaire, le juge, le podestat ou le prieur en exercice, dans sa pratique quotidienne, se référerait. Face à cette « source normative », les actes notariés, les procédures inquisitoires et les sentences rendues par les tribunaux communaux ainsi que les délibérations des conseils municipaux représenteraient des « actes de la pratique », plus proches de la « réalité » que les statuts. On aurait ainsi, d’un côté, des normes qui auraient pour fonction de proposer des cadres et de l’autre, les pratiques des acteurs qui contourneraient, manipuleraient cette norme connue. Notre projet de recherche se propose de remettre en question ce découpage souvent trop facilement admis et d’essayer de voir dans quelle mesure les sources statutaires, centrées sur des usages locaux, profondément ancrées dans un territoire, ne donneraient pas, elles aussi accès à une forme de connaissance des pratiques, au plus proche des acteurs.

- Dans un contexte d’inflation documentaire et de circulation accrue de l’écrit, l’approche typologique déterminée par des catégories principalement juridiques sur laquelle nous nous appuyons traditionnellement n’est pas pertinente. Or, cette conception est à l’origine de la très grande majorité des travaux d’édition qui, pensons-nous, applique une norme typologique qui ne tient nullement compte de la genèse des textes, voire de leur statut exact. Si l’on inverse la perspective et que l’on part du flux documentaire, des pratiques et des chaînes d’écritures, on peut réinterroger de manière différente le rapport entre normes et pratiques dans les processus d’écriture institutionnels. Nous considérons en effet les documents non comme un point de départ mais comme le résultat d’un lent processus de production qui doit, lui aussi, être pris en compte et étudié. L’un des angles d’attaque consisterait, dans une optique de micro-histoire, à confronter systématiquement, sur un thème spécifique, la production et l’usage de ces divers types de documentation : les statuts, les riformanze, les actes notariés et les procès. L’ensemble de cette production documentaire contribue pleinement à la pratique du pouvoir dans les communautés urbaines. Il faut surtout admettre une interpénétration constante entre toutes ces sources, une grande porosité, du fait même que ce sont souvent les mêmes acteurs (l’élite communale) qui les produisent. On peut donc considérer aussi qu’il existe différentes strates normatives qui se superposent et se complètent du niveau le plus haut ou le plus large (comtal, provincial ou royal) au plus restreint (professionnel) en passant par l’échelon communal. Ces différentes strates forment un ensemble réglementaire composite pesant sur les pratiques. L’étude du positionnement de ces différentes strates les unes par rapport aux autres n’est pas sans intérêt. Complémentaires, ces diverses composantes peuvent aussi apparaître concurrentes et donner à observer des tensions entre les divers niveaux de réglementation, chacun de ceux-ci (réglementation des autorités souveraines, des communes, des métiers) pouvant avoir à cœur de marquer en quelque sorte son emprise, de dominer un espace ou un secteur d’activité. Statuer peut, en ce sens, apparaître comme un enjeu social de toute première importance.

- L’historiographie récente ne voit plus les statuts comme une norme imposée d’en haut. Il est peut-être temps en effet d’essayer de mesurer les indices, les signes, les écarts qui trahissent, même à l’intérieur des textes apparemment les plus formatés, des formes de négociation, d’adaptation, de bricolage imposées par la communauté d’habitant ou ses représentants. La grille de lecture que nous proposons ne cherche pas à reconstruire des cadres généraux et structurels mais propose une démarche empirique à l’échelle locale. Aujourd’hui, la réduction (microstoria) ou la variation des échelles d’observation (« histoire multiscopique ») incite davantage à s’intéresser à des productions documentaires relatives à un micro-territoire. Les statuts, en effet, dévoilent également des éléments très concrets (toponymie, anthroponymie, etc.). Les normes statutaires servent aussi à légitimer les pratiques et apparaissent donc aussi comme un moyen d’essayer d’organiser le réel voire de le transformer avec dans ce dernier cas plus ou moins de succès. La confrontation de ces sources permet de réinterroger normes et pratiques et, en l’occurrence ici, de montrer que ce ne sont pas les changements de vêtement « objectifs » qui sont à l’œuvre mais la manière dont des moralistes (des hommes) jugent, interprètent ces changements, la manière dont les statuts locaux menacent les acteurs et la manière dont la justice locale met en pratique les menaces : on peut dire que dans l'imaginaire des hommes, pour les femmes le vêtement est moyen de séduire, pour les hommes, moyen d'affirmer leur autorité. In fine, on l’aura compris, le but de l’enquête proposée est de montrer les liens entre la distribution typologique de la documentation et l’histoire des pratiques sociales et, partant, de démontrer la porosité de ces types de documentation et de remettre en cause les oppositions trop brutales entre normes et pratiques et les associations trop mécaniques entre certaines sources et l’une ou l’autre de ces deux catégories.

- Champ de la recherche : le vocabulaire des statuts ; les processus de formations des statuts ; le problème de l’intertextualité entre statuts voisins ; la place occupée par les statuts de métiers ; la révision moins grande des statuts italiens à partir du XIIIe siècle (la mise en place des seigneuries a tendance à fossiliser les statuts ; une approche comparée, menée sur des espaces différents, permettrait sans doute de mettre en évidence des temporalités diverses) ; le problème de la « scripturalité », de « l’écriture administrative ». Il conviendra aussi de réfléchir sur la constitution des cartulaires municipaux, la formation des acteurs qui construisent le droit et qui le mettent en pratique, les devoirs des magistrats (podestats, juges, notaires, nonces, etc) rencontrés dans les statuts relatifs à la confection, la conservation et la diffusion des registres et des archives des procédures inquisitoires, l’espace spécifique concerné par les statuts et à la diffusion des statuts. Il faudra enfin porter une attention particulière à la plus ou moins grande connaissance et la plus ou moins grande utilisation de la norme statutaire par les notaires et les juges dans leur travail quotidien. Il faut systématiquement observer les actes notariés et les « petits procès » pour voir dans quelle mesure ils font référence ou non, explicitement ou implicitement, aux statuts. Les notaires du contado semblent moins se référer à ces statuts que les notaires vivant intra-muros.


Partenaires

Université Paris 7 ; université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines ; université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; université Paris-Est-Marne-La Vallée ; université de Bologne (Maria Giuseppina Muzzarelli) et Université de Florence (Andréa Zorzi).


Opérations prévues

2013-2016 : quatre journées d’études


Résultats attendus

Publications intermédiaires dans les MEFRM (par exemple la rencontre de juin 2013 sur Codicologie et le langage de la norme dans les Statuts)

Un ouvrage de synthèse dans la CEF à l’horizon 2016

Le carnet de recherche du programme : Statuts, écriture et pratiques sociales dans les sociétés de la Méditerranée occidentale à la fin du Moyen-Âge (XIIe-XVe siècle)


Participation EFR

Partenariat principal ; contribution financière à l’organisation des rencontres périodiques ; éditeur

Questa pagina è una traduzione dal francese, aggiornata il //

Contacts :

 

Prochaines manifestations et actualités

PROGRAMMES

Programmes structurants (2022-2026)

Axe 1 – Espaces maritimes, littoraux, milieux insulaires

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projets financés par l'Agence nationale de la Recherche (ANR)

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projet franco-allemand financé par l'Agence nationale de la Recherche (ANR) et la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG)

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projets européens (Horizon 2020)

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

 

Projets Impulsion

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

 

 

 
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