. Genèse du droit administratif médiéval et moderne (C) : « Écritures grises », les instruments de travail administratifs en Europe méridionale (XIIe-XVIIe siècles)


Axe 4. Le laboratoire politique et social italien

Responsables :

Arnaud Fossier, Johann Petitjean, Clémence Revest

Ce projet est né du constat auquel nous ont conduits tant nos propres expériences au cours de dépouillements de divers fonds d’archives diplomatiques que la lecture de travaux récents autour de la scripturalité administrative entre fin du Moyen Âge et début de l’époque moderne : le constat de la répétitivité. Une répétitivité des formes, des styles, des dispositifs et des usages qui nous semblait esquisser les contours d’un langage administratif trans-étatique en gestation. Cette forme de banalisation des écritures de l’autorité publique doit être comprise dans le sillage d’une mutation radicale des pratiques de l’écrit, de la « révolution documentaire » du XIIe siècle à la massification et à la diversification progressives des instances productrices et utilisatrices à compter du XVIe siècle. Entre le XIIe siècle et le XVIIe siècle s’est également déroulée une longue phase de construction, de consolidation et de sophistication des États européens considérés dans leurs dimensions territoriale, judiciaire, militaire, fiscale, diplomatique et administrative. Ici se situe à nos yeux une articulation problématique majeure entre la genèse de nouvelles techniques de l’écrit et les mutations des appareils d’État. Notre projet part de l’hypothèse que ces deux processus ne sont pas parallèles, mais interdépendants. Les pouvoirs publics ont pu se configurer administrativement, voire se bureaucratiser, parce qu’ils usaient d’instruments écrits de gouvernement. Réciproquement, de tels instruments, leurs formes, leurs techniques, leurs dispositifs propres, se sont développés au fur et à mesure que les États, plus largement les autorités publiques, tâchaient de se légitimer et de se maintenir. Dans quelle mesure l’efficacité gouvernementale, qui est l’un des principes à la fois théorique et pratique du développement des États, exige-t-elle des instruments de travail écrits ? Selon quels critères identifier, classer et analyser ces derniers ? Le projet voudrait répondre à ces questions en comparant les problèmes, les solutions et les instruments utilisés, en identifiant d’éventuels modèles et de probables évolutions.

L’un des écueils principaux de cet espace de réflexion est l’ampleur considérable des sources potentiellement concernées, qui découle de la difficulté à définir ce qu’est une « écriture grise ». Nous avons par conséquent pris le parti de restreindre notre domaine d’enquête aux instruments du travail administratif. Par la méthode comparatiste qu’il promeut, notre projet de recherches tentera de délimiter, voire, à terme, de typologiser ce corpus, qui demeure très étendu. Pour éviter le risque d’éparpillement, nous prendrons essentiellement en compte les outils de gestion et d’administration produits en interne par les différentes institutions concernées : formulaires, recueils de lettres, compilations de modèles de documents par exemple. Il ne s’agit pas d’examiner un type de source ou d’ensemble textuel, mais de prendre en considération ce dont les autorités publiques se servaient, au quotidien, pour produire des actes. Nous exclurons ainsi du champ d’investigation les instruments de travail tels que les traités, les sommes ou les collections juridiques conçus à l’extérieur des institutions gouvernantes. Nous insisterons sur l’émergence et la diffusion de modèles administratifs d’écriture et tenterons d’inventorier les usages qui pouvaient être faits de tels documents : outils au quotidien, de gestion, de communication, ou supports de mémoire, ils relèvent de stratégies différenciées et locales que nous essaierons de dégager. En analysant l’élaboration, la diffusion et les usages de ces instruments de travail, nous parviendrons peut-être à mieux définir ce que pouvaient être les machines administratives entre le XIIe et le XVIIe siècle, leurs configurations, leurs modes de fonctionnement, ainsi que leurs principes communs et leurs différences. Notre démarche se veut résolument comparatiste comme l’attestent les frontières géographiques données au projet. Prendre en compte l’Italie, c’est accorder aux communes, à la chancellerie impériale, ou à la Curie romaine le rôle qui leur revient dans le long processus d’« administralisation » de l’autorité publique en Occident. Soulignons que de nombreuses innovations scripturaires et administratives sont le fait des petits États territoriaux, notamment italiens, et sans doute de certaines chancelleries épiscopales, dont l’importance en la matière reste à évaluer. Dans le Sud de la France, les notaires des pouvoirs urbains, la papauté d’Avignon, puis les différents pouvoirs princiers qui se sont succédé en Provence comme dans le Languedoc, ont également joué un rôle pionnier, dans l’usage pratique, par exemple, qu’ils ont fait du droit savant. Quant à la péninsule ibérique, elle a accueilli, au cours de ces six siècles d’histoire, parmi les chancelleries royales les plus productives du point de vue de l’écrit. Au XVIe siècle, ses souverains et ses administrateurs se sont en effet trouvés confrontés à des problèmes inédits posés par la conquête puis la gestion et l’exploitation économique du sous-continent américain. Il serait particulièrement intéressant de comparer les solutions adoptées avec celles utilisées par les administrateurs en charge des régions de la péninsule italienne placées sous autorité espagnole. Nous ferions ainsi de l’Europe méridionale occidentale un laboratoire, parmi d’autres, de la formation, par l’écrit, des administrations publiques. À terme, l’objectif est de tenter la cartographie historique des foyers émetteurs d’innovation scripturaire et de la circulation des techniques administratives en vigueur dans cette aire méridionale restreinte. Peut-on observer le transfert de modèles d’écriture administrative, voire l’utilisation d’une langue administrative partagée à l’échelle européenne ? C’est sans doute en tentant de répondre à ce type d’interrogations très larges que nous parviendrons à isoler l’objet historiographique qu’est l’administration dans le double sens que nous lui avons assigné plus haut – à la fois organe bureaucratique et exercice effectif du pouvoir. Une enquête de cette ampleur devrait à tout le moins permettre de mieux comprendre comment et à quels moments ont pu se diffuser des logiques et des procédés d’administration communs à l’Europe méridionale.

Partenaires

Opérations prévues

2012 : une séance préliminaire à l’automne

2013-2014-2015 : trois journées d’études « Techniques d’écriture » ; « Usages et fonctions des instruments du travail administratif » ; « Circulation de modèles et invention d’une langue administrative européenne ? »

Résultats attendus
Un ouvrage de synthèse publié dans la CEF qui rende compte de l’enquête menée sur le temps long et sur un corpus hétérogène, les chapitres seraient regroupés sous trois parties correspondant aux axes suivis. Le livre pourrait être remis à la fin de l’année 2016.

Participation EFR
Partenaire principal ; éditeur

Lien vers le carnet de recherches du programme :
https://ecrituresgrises.hypotheses.org/

Questa pagina è una traduzione dal francese, aggiornata il //

Contacts :

 

Prochaines manifestations et actualités

PROGRAMMES

Programmes structurants (2022-2026)

Axe 1 – Espaces maritimes, littoraux, milieux insulaires

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projets financés par l'Agence nationale de la Recherche (ANR)

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projet franco-allemand financé par l'Agence nationale de la Recherche (ANR) et la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG)

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projets européens (Horizon 2020)

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

 

Projets Impulsion

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

 

 

 
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