Roxane Rocca

Projets de recherche pour la délégation

Enseignante-chercheuse en archéologie préhistorique, je suis spécialiste des sociétés du Paléolithique ancien et moyen en Europe. Après avoir travaillé pendant ma thèse soutenue en 2013 sur les systèmes techniques lithiques en Europe centrale, j’ai élargi ma zone d’étude vers le sud, notamment l’Italie où je dirige actuellement la fouille du site de Cimitero di Atella.

Dans le cadre de cette délégation à l’école française de Rome, il s’agira, tout d’abord d’étudier le matériel archéologique d’Atella conservé à l’Efr, ensuite de lancer un projet Anr afin de fédérer les recherches autour des rapports entre Humains et éléphants au Paléolithique en Europe, enfin d’avancer sur la rédaction d’une Hdr qui portera sur la question des temporalités au Paléolithique.

• Cimitero di Atella : premiers bifaces…mais pas seulement

Le site paléolithique ancien de Cimitero di Atella en Basilicate, fouillé depuis 2017 dans le cadre des programmes de l’Efr représente désormais un site majeur dans le panorama du Paléolithique ancien européen à plusieurs titres. La réévaluation du cadre chronostratigraphique entreprise depuis 2016 en collaboration avec différents spécialistes (géologues, dateurs, paléontologues, etc…) nous a permis de placer les occupations humaines à environ 600.000 ans. Il s’agit d’une période clef du Paléolithique ancien européen, entre les premiers peuplements et l’émergence du phénomène bifacial. Atella, représente donc, avec d’autres sites contemporains du nord de la méditerranée, un laboratoire d’étude des mécanismes d’émergence de cette nouvelle façon de « faire outil ». À Atella, les études préliminaires que nous avons menées ces dernières années, sur les collections anciennes issues des fouilles des années 1990 dirigées par E. Borzatti et celles issues de nos fouilles, ont permis d’identifier trois chaînes opératoires principales ; les « petits outils » qui sont confectionnées sur des supports épais de petites dimensions et représentent la majorité du matériel, la production d’éclats bruts et le façonnage bifacial qui est plus secondaire dans l’assemblage. De très nombreuses questions subsistent, notamment concernant les objectifs précis de ces outils et les relations au sein du système technique entre chacun de ces supports. Il est donc nécessaire de mener des études techno-fonctionnelles sur le matériel, de tenter de comprendre quel rôle ont joué chacun des supports dans le kit d’outils. Toutes ces questions ne pourront trouver de réponse que par l’étude attentive du matériel déposé temporairement au laboratoire d’archéologie de l’école française de Rome.

• Humains/éléphants 

Nous envisageons de proposer un projet qui puissent donc faire le lien entre des sites français et italiens à travers ce prisme des relations entre groupes humains et éléphants en multipliant les approches : systèmes techniques, archéozoologie, expérimentations, éthologie, anthropologie sociale des relations humains/non-humains. Si l’hypothèse d’une coévolution entre humains et proboscidiens (Palaeoloxodon, Elefas, Mammuthus) est largement débattue dans les études sur le Paléolithique ancien ces dernières années, elle est généralement traitée uniquement dans une perspective naturaliste et déterministe, comme souvent en préhistoire. Il nous semble important de repartir des données et de multiplier les points de vue pour repenser la nature de ces relations d’un point de vue historique et anthropologique.

• Les temporalités du Paléolithique ancien

Enfin, ces 9 mois de délégation nous permettrons également d’avancer sur la rédaction de notre hdr qui portera sur les différents régimes de temporalités au Paléolithique ancien. Les travaux menés à Atella serviront de base de réflexion, puisque qu’une des spécifiés de ce site est d’avoir livré une pluralité de degrés de conservation des ensembles stratigraphiques. Cet écart très important entre des enregistrements peu riches mais qui témoignent d’occupations circonscrites dans un temps court et des sites ou niveaux comprenant des milliers de pièces qui peuvent être le résultat d’une addition de multiple occupations, représente un nœud méthodologique central pour l’étude du Paléolithique ancien. Comment traiter ces sources de nature si différente ? Comment comparer ces assemblages ? Comment tenir compte de ces niveaux de résolution sans niveler l’information par le bas ? Au-delà de l’exemple d’Atella, interroger notre capacité à prendre en compte ces échelles de temps au Paléolithique ancien nous semble essentiel. Pour mener cette réflexion sur la question des échelles de temps dans cette période particulière du Paléolithique ancien, l’apport théorique des historiens, notamment des tenants de la micro-histoire nous apparait très inspirant.