Disparition de Gérard Giordanengo (1944-2025)

Ancien membre de l’École française de Rome (1969-1971)

C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris la disparition, advenue le 18 mai 2025, de Gérard Giordanengo, ancien membre de l’École française de Rome de 1969 à 1971.

Né à Gap le 15 octobre 1944, il était entré à l’École des chartes en 1965. Il y prépara une thèse sur « La noblesse dauphinoise au temps du dauphin Humbert II (1333-1349) ». Elle lui valut le prix Auguste-Molinier qui récompense la meilleure thèse d’une promotion, ce qui lui ouvrit la porte de l’École française de Rome. Il rejoignit le palais Farnèse à la rentrée universitaire 1969, après une courte première expérience professionnelle aux archives départementales de l’Isère. Il ne resta que deux ans à Rome, avant de s’acquitter de ses obligations miliaires en qualité de professeur au lycée français de Milan de 1971 à 1973. Revenu en France, il fut conservateur aux archives départementales des Bouches-du-Rhône jusqu’en 1981, date à laquelle il fut élu à la chaire d’histoire du droit civil et canonique à l’École des chartes, le deuxième issu des pays de droit écrit après le Savoyard Pierre Duparc, où il y fut, jusqu’à sa retraite en 2005, un enseignant apprécié, à l’ironie drôle et mordante.

Son séjour romain fut décisif, pour lui comme pour l’institution. Il aimait à rappeler que, le premier, il refusa de participer comme tous les chartistes avant lui au travail d’analyse des bulles des papes, revendiquant la même liberté créatrice que ses autres camarades de promotion, sonnant ainsi peu ou prou le glas d’une tradition presque centenaire. Surtout il y ouvrit un nouveau chantier de recherche, l’étude du droit féodal savant dans les derniers siècles du Moyen Âge dont il devint rapidement l’un des rares, puis bientôt le seul spécialiste en langue française. Il y consacra son mémoire de deuxième année (une édition de la Summa super usus feudorum du jurisconsulte marseillais Jean Blanc) et elle forma la matière de son doctorat d’État soutenu en 1981 à l’université de Montpellier sous la direction d’André Gouron. Il publia celle-ci en 1988 dans la BEFAR (Le droit féodal dans les pays de droit écrit. L'exemple de la Provence et du Dauphiné. XIIe-début XIVe siècle). Dédiée à son épouse, elle est le grand livre de G. Giordanengo avec un recueil de ses principaux articles paru sous le titre Féodalités et droits savants dans le Midi médiéval (Aldershot, 1992) et sa collaboration à l’édition-traduction par Marion Schnerb-Lièvre des Trois leçons sur les Décrétales d’Évrart de Trémaugon, l’auteur du Songe du Vergier (Paris, 1998).

C’est que ce savant précis et curieux préférait les études pointues et ponctuelles sur une œuvre ou un juriste, assorties de synthèses où il défendait, parfois avec vigueur, ses points de vue. L’écriture de plus d’une centaine d’articles érudits (dont trois dans les Mélanges et quatre dans divers volumes de la Collection de l’EFR) installa rapidement sa réputation tant auprès de ses collègues français – il participa au jury du concours de l’agrégation d’histoire du droit en 1986 – qu’en Italie où il acquit dès son séjour romain et milanais l’estime durable de ses homologues comme Domenico Maffei à Sienne, Giulio Vismara à Milan ou encore Andrea Romano à Palerme.

Comme pour d’autres Farnésiens, le séjour romain a ainsi marqué la vie académique de Gérard Giordanengo d’une empreinte forte. N’a-t-il pas signé l’un de ces plus célèbres textes polémiques (« Roma nobilis, orbis et domina. Réponse à un contradicteur », Revue historique de droit français et étranger, 2010), de sa seule qualité d’« Ancien membre de l’École française de Rome » ? De son propre aveu, ce malicieux rappel de sa jeunesse farnésienne lui permettait symboliquement d’ouvrir et de clore son plaidoyer pour la force du droit romain dans la France capétienne par l’invocation de la Ville...

Nous présentons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à ses collègues.

 

Photographie : Gérard Giordanengo au sein de la promotion 1969-1970 (archives de l'École française de Rome) 

Categorie Anciens membres L'EFR Presse
Pubblicato il 22/05/2025 - Ultimo aggiornamento il 23/05/2025
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