L’économie du ‘mouchoir’ : crédit et microcrédit à Venise au XVIIIe siècle
La littérature sur le crédit à l’époque moderne s’est souvent focalisée sur les Monts-de-piété, les prêteurs juifs et les notaires, considérés comme le noyau du système de crédit préindustriel. Cependant, pour la majorité des habitants des villes de l’Ancien Régime, le besoin presque quotidien d’obtenir de petits prêts était satisfait par d’autres voies, moins connues mais tout aussi fondamentales pour la fragile économie des couches populaires. En utilisant des sources d’archives inédites, ce volume analyse l’architecture du marché du crédit à Venise au XVIIIe siècle. Au sein de ce marché, il est apparu que osti (aubergistes) et bastioneri – gestionnaires des bastioni, entrepôts où le vin était vendu à emporter – occupaient une place centrale, à la fois comme fournisseurs de biens de première nécessité et prêteurs sur gage. Ils étaient un point de référence incontournable pour les franges les plus pauvres et vulnérables de la société, les protagonistes de ce que l’auteur appelle « l’économie du mouchoir » (economia del fazzoletto). Chaque année osti et bastioneri prenaient en gage des dizaines de milliers d’objets d’usage quotidien – la vraie « richesse » des pauvres – dans le cadre de transactions à mi-chemin entre crédit et consommation. Les coffres et les armoires des Vénitiens devenaient de véritables réserve de valeur, toujours disponibles pour être exploitées en cas de besoin : il s’agissait d’une ressource fondamentale, qui leur permettait de survivre, un mouchoir à la fois.
Docteur en histoire moderne des universités de Venise Ca’ Foscari et Rouen – Normandie, Matteo Pompermaier est actuellement chercheur en histoire économique à l’université de Stockholm. Ses recherches portent principalement sur les marchés financiers à l’époque moderne, en particulier sur les modalités d’accès au crédit des couches populaires.
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