Disparition de Noëlle Poinçon de La Blanchardière (1928-2024)

Ph. Phillippe Le Tellier/Paris-Match, 1959 (Archives EFR)

Responsable de la bibliothèque de l’École française de Rome de 1959 à 1992

 

C’est avec une vive émotion que nous avons appris la disparition, le 4 mars 2024, de Noëlle de La Blanchardière qui, pendant plus de trente ans, a assumé la responsabilité de la bibliothèque de l’École française de Rome et l’a profondément transformée.

Arrivée à Rome en détachement de la bibliothèque universitaire de Lyon le 7 janvier 1959, Noëlle a créé et a donné tout son sens, par sa personnalité lumineuse, à un poste nouveau longtemps réclamé par les directeurs de l’École française de Rome au ministère : celui de conservatrice des collections d’une bibliothèque d’archéologie et d’histoire riche, alors, de 50 000 volumes et de 700 titres de périodiques. Grande figure de l’École, elle a incarné, jusqu’à sa retraite en 1992, ce que l’École avait de meilleur : l’accueil chaleureux, l’attention aux choses comme aux personnes, la culture au-delà de l‘érudition, la passion de l‘Italie aussi ; en somme, elle a non seulement œuvré à la réputation et au rayonnement de l’institution, à travers l’hospitalité, l‘équipement et l‘organisation de la bibliothèque, mais l’a également dotée d’une qualité toute particulière, celle de la dimension humaine de la recherche scientifique, grâce à son exceptionnelle disponibilité personnelle.

À partir de sa nomination en 1959, son détachement est renouvelé tous les cinq ans à la demande des directeurs successifs, Pierre Boyancé, Georges Vallet, Charles Pietri et Claude Nicolet. Tous, dans leurs rapports, soulignent combien leur est précieuse sa collaboration, combien son appui est indispensable au développement des programmes scientifiques et, au-delà, à la vie de l’institution tout entière, combien ses qualités d’accueil font, à Rome, la réputation de l’École. Promue conservateur en 1968, puis conservateur en chef en 1982, elle termine sa carrière à l’École, qui lui doit une reconnaissance particulière. Un volume de mélanges en son honneur, « Alla Signorina », est publié dans la collection de l’EFR en 1994. S’il manifeste l’estime et l’amitié que lui portent directeurs, membres, personnels, boursiers et lecteurs, il témoigne aussi du rôle scientifique qu’elle a tenu au sein de l’institution.

À partir des années 1970, elle a transformé la bibliothèque, d’abord conçue comme un simple centre documentaire d’appui aux travaux des membres, en un outil irremplaçable de travail largement ouvert aux lecteurs italiens, en un lieu d’intense sociabilité savante, de collaboration et d’échanges, ainsi que de diffusion de la littérature scientifique dans le domaine des sciences humaines. Sous sa direction, la bibliothèque s’est également étendue, triplant sa surface au second et au troisième étage du palais Farnèse pour accueillir des collections considérablement enrichies : en 1972-1973, 6 salles nouvelles, cédées par l’ambassade, sont équipées et s’ouvrent aux lecteurs au 3e étage ; au 2e étage, la salle aujourd’hui d’histoire de l’Italie, à côté du Salone, entièrement décloisonnée, restaurée, son plafond à caisson redécouvert en 1975, accueille depuis lors les membres d’histoire médiévale, moderne et contemporaine. Il lui revint enfin d’accueillir, dans les années 1980, la riche bibliothèque privée de l’historien du droit romain, Edoardo Volterra, ultérieure preuve de confiance et d’estime du monde savant italien. Suivirent encore l’ouverture à la gestion informatique de la bibliothèque, l’engagement de l’École dans le réseau local (URBS), appuyé sur l’Unione degli Istituti di archeologia, storia e storia dell’arte in Roma, les premières acquisitions de banques de données. 

Le grade de chevalier de l’ordre national du Mérite était venu récompenser, en 1974, ses remarquables talents professionnels, les liens tissés avec de nombreux savants étrangers, ainsi que ses excellents rapports personnels avec les autorités italiennes au sein du Ministero della Pubblica Istruzione.

Les membres de l’École française de Rome, ses personnels, les boursiers, les lecteurs français et étrangers qui l’ont connue, savent ce qu’ils lui doivent, quel rôle essentiel elle a tenu auprès d’eux pour les conseils, les échanges, les rencontres et les relations dont ils ont bénéficié grâce à elle, dont la clairvoyance, la profondeur et l’ampleur des services rendus suscitaient immanquablement à la fois gratitude et admiration. Force et souffle de la bibliothèque, elle a aussi été instigatrice et médiatrice de l’enracinement de l’École dans la communauté scientifique italienne.

Au moment de sa retraite, le directeur alors en fonction, Claude Nicolet, écrivait : « Je ne sais comment nous pourrons nous remettre de son départ ». Quelque trente ans plus tard, au moment de son ultime départ, Noëlle laisse dans nos cœurs des souvenirs si vifs et, au cœur de l‘École, un héritage si considérable, qu’elle nous oblige et nous engage à poursuivre ce qu’elle a construit avec une perpétuelle exigence.

Nous présentons nos plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

 

Un dernier hommage lui sera rendu, mardi 30 avril 2024, à 18 h 30, en l'église de San Lorenzo in Damaso, piazza della Cancelleria, 1, à Rome.

 

Photographie : Noëlle de La Blanchardière avec le président Charles de Gaulle à l'occasion de sa visite officielle en Italie en 1959, bibliothèque de l'École françasie de Rome, palais Farnèse. Cliché réalisé par Phillippe Le Tellier/Paris-Match (archives de l'École française de Rome)

Catégories : Anciens membres L'EFR Presse
Publié le 03/04/2024 - Dernière mise à jour le 03/04/2024
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