. L’exclusion dans les sociétés du haut Moyen Âge (VIe-XIIe siècle) : formes, catégories et réactions


Axe 4. Le laboratoire politique et social italien


Responsables : Geneviève Bührer-Thierry (Université Paris-Est) ; Stéphane Gioanni (EFR) ; Sylvie Joye (Université de Reims) ; Christina La Rocca (Université de Padoue) ; Régine Le Jan (Université Paris 1)

  • La question de l'exclusion sociale n'a pas toujours été abordée de manière satisfaisante dans l'étude du haut Moyen Âge. Désignant des formes de relégation ou de marginalisation de personnes ou de groupes de personnes ne correspondant pas ou plus au modèle dominant d'une société, l'exclusion accompagne la construction des ensembles sociaux, politiques et culturels apparus dans les premiers siècles du Moyen Âge. La rupture (brutale ou progressive) des liens sociaux et la relégation de personnes ou de communautés entières sont en effet la conséquence inévitable (volontaire ou non) du processus d'intégration, de mobilité et de hiérarchisation des sociétés médiévales. Pourtant, pour les périodes anciennes ou médiévales, la notion d'exclusion est difficile à saisir parce que, la plupart du temps, elle n'est pas nommée en tant que telle, mais recouvre les champs de la discrimination, du bannissement et de l'élimination. Notre réflexion supposera donc une attention particulière aux contextes historiques, aux catégories intellectuelles et aux pratiques rituelles qui ont généré des formes d'exclusion dans les sociétés du haut Moyen Âge. Une première rencontre préliminaire, le 12 février 2011, a permis d'examiner la pertinence de ce projet et de fixer le cadre géographique et chronologique de notre réflexion. Il s'agissait d'abord d'étudier dans une perspective comparatiste la perception et les représentations des différentes formes d'exclusion dans chacun des ensembles considérés. La comparaison de l'Occident médiéval avec le monde byzantin et les mutations des sociétés balkaniques à partir du VIIe siècle pourrait mettre en lumière l'originalité des formes d'exclusions dans les sociétés médiévales par rapport aux mondes anciens. L’extension chronologique, géographique et disciplinaire de ce projet nous permettrait enfin de réfléchir sur la construction du consensus social, des modèles dominants (explicites et implicites) et des normes juridiques, religieuses et culturelles qui ont assuré la cohésion de la société et la domination des élites dans l'Europe du haut Moyen Âge.
  • Au sein de ce programme consacré aux exclusions et discriminations, l’excommunication est une mesure majeure, aux implications totales, capable d’affecter toute personne ou tout groupe, en tout ou en partie. D’autres formes d’exclusions sociales et potentiellement économiques touchent plus ou moins profondément la société du haut Moyen Âge. Elles sont différenciées, s’appliquant de manière spécifique selon le genre, le statut, la richesse, l’état social des individus ou des groupes ; les réactions face à ces exclusions sont également différenciées. Le sous-programme décrit ici veut tenter de jeter un peu de lumière sur toutes ces formes d’exclusion et de discrimination, jusqu’ici peu abordées dans l’historiographie, jetant un pont entre l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge.
  • Les formes d’exclusion sociale et économique : un inventaire : La forme d’exclusion/discrimination la plus fondamentale touche au genre, toujours actuelle. Qu’est-ce qu’être une femme au haut Moyen Âge, par rapport à être un homme : les références pour les distinguer sont-elles héritées du monde romain, du monde barbare, du monde chrétien ? Les expressions pour qualifier ces différences sont-elles pauliniennes, augustiniennes ou justiniennes ? L’exclusion familiale est fortement liée au genre : l’exclusion des femmes peut-elle être comparée à celles des hommes ? Ou bien se situe-t-elle à un tout autre plan ? Le droit romain ou les lois barbares semblent donner une image très différente de cette discrimination homme-femme/fils-fille au sein du groupe familial : est-ce une position cohérente ou un topos historiographique ? Comment préciser ces rapports ? L’exclusion se fait-elle davantage volontairement ou involontairement pour ceux qui en souffrent ? Quelle est la force de la rumeur ou de la fama dans la création d’une exclusion ou d’une discrimination ? Qui décide, in fine, de rendre effective la discrimination ou l’exclusion : la décision est-elle prise au sein de la famille ou en dehors ? Les discriminations et exclusions s’additionnent-elles : peut-on être à la fois esclave et rejeté hors du groupe familial ? Fils ou filles s’excluent parfois volontairement du groupe familial : comment cette exclusion est-elle vécue, à l’intérieur comme à l’extérieur, socialement, juridiquement ou judiciairement, économiquement ? L’exclusion ou la discrimination peut être étendue à des groupes sociaux plus ample, parfois très spécifiques –comme les groupes funéraires. Ainsi il conviendrait d’étudier plus précisément la discrimination et l’exclusion dans les cimetières mérovingiens (et plus largement haut-médiévaux) : la construction d’un groupe social « fort » autour des tombes dites « de fondateur », tandis que les défunts enterrés en pleine terre ou sans matériel funéraire se trouvent en périphérie ou dans des zones particulières, comme relégués. Les groupes religieux génèrent, eux aussi, des formes de discrimination ou d’exclusion, visibles dans les fouilles des cimetières des communautés comme dans l’étude fine des sources diplomatiques ou narratives : envisage-t-on une vraie discrimination entre prêtres et frères non ordonnés, dans les communautés monastiques ? Quelle est la place des laïcs dans ces communautés ? Comment qualifier l’enfermement monastique ? Et l’exclusion du monastère ? Les mots sont-ils différents pour parler des uns ou des autres ? L’exclusion ou la discrimination touchent aussi les groupes constituant le village, la communauté rurale (urbaine ?). La communauté met-elle en place des procédures d’exclusion, de bannissement au haut Moyen Âge ? Ou tout simplement de ségrégation organisée ? A contrario, intègre-t-elle les nouveaux arrivants ? Comment joue le principe de solidarité ?
  • Créer l’exclusion : l’exclusion ou la discrimination se marquent-elles dans la chair, par des sévices ou des punitions ; se marquent-elles par des confiscations, par des retraits de droits ? Ces marques corporelles ou économiques sont-elles les conséquences ou les causes de l’exclusion ? Faut-il rattacher à ces marques corporelles ou économiques la perte de virginité d’une moniale la contraignant à quitter le monastère ou encore la constatation d’une incapacité physique empêchant le clerc d’accéder à la prêtrise ? Les rapports entre les capacités physiques ou matérielles et la discrimination sont à approfondir.

  • Pourquoi exclure ? Les actions d’inclusion ou d’exclusion, de ségrégation, de discrimination ou d’assimilation sont à étudier en tant que telles, au-delà de la simple constatation d’un état et de ses conséquences. Pourquoi exclure, pourquoi réintégrer ? Pour laver l’honneur d’une famille, d’un groupe, d’une communauté ? Pour rétablir l’équilibre et la cohésion sociale du groupe en situation de crise ? Pour renforcer ces groupes en cas de crise politique ou économique ?


Partenaires institutionnels

Université Paris 1–LAMOP, UMR 8589 ; Université de Padoue ; Université de Reims


Opérations prévues : trois rencontres

 

Résultats attendus

  • Publications intermédiaires dans la collection Haut Moyen Âge (Brepols)
  • Un volume de synthèse est également envisagé au terme du programme à l'horizon 2016.

Participation EFR

Partenariat principal, soutien financier à l’organisation des séminaires et publication d’un volume de synthèse à l’horizon 2015 ; éditeur.


Page mise à jour le //

Contacts :

 

Prochaines manifestations et actualités

PROGRAMMES

Programmes structurants (2022-2026)

Axe 1 – Espaces maritimes, littoraux, milieux insulaires

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projets financés par l'Agence nationale de la Recherche (ANR)

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projet franco-allemand financé par l'Agence nationale de la Recherche (ANR) et la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG)

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projets européens (Horizon 2020)

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

 

Projets Impulsion

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

 

 

 
p
a
r
t
a
g
e
r