. Le monachisme en Méditerranée (B) : Les moines autour de la Méditerranée : contacts, échanges, influences entre Orient et Occident de l'Antiquité tardive au Moyen Âge (IVe - XVe siècle)


Axe 1. Parcours et échanges en Méditerranée

Responsables : Olivier Delouis (CNRS, UMR 8167 Orient et Méditerranée) ; Maria Mossakowska-Gaubert (IFAO) ; Annick Peters-Custot (Université de Nantes)

Si le moine est par définition en fuite, s’il choisit l’expatriation du monde, s’il bat en retraite (au sens premier de l’anachorèse), ce mouvement originel a d’ordinaire un terme : la clôture. L’abandon du monde emprunte alors un chemin intérieur. Pourtant, au témoignage des sources antiques et médiévales, le moine se contente rarement de cette immobilité. Au contraire, ces sources le saisissent en mouvement, comme si stabilitas loci et peregrinatio pouvaient aller de paire. Le moine voyage en effet : pour écouter la « parole » d’un Ancien, suivre un exemple – au sein de sa communauté dispersée ou dans une communauté voisine, parfois aussi à longue distance, comme ces moines palestiniens qui en 394/5 vinrent auprès de communautés monastiques d’Égypte, ce dont rend compte l’Historia Monachorum. Pour sa vie matérielle, le moine entreprend des voyages d’affaires (la correspondance monastique de Barsanuphe et Jean de Gaza au Ve-VIe siècle encadre alors son comportement), il négocie des privilèges auprès des autorités fiscales, l’empereur notamment – d’où ces exemptions nombreuses préservées au Mont Athos. Le moine est aussi un pèlerin, en route vers Jérusalem, Rome, Constantinople, auprès de reliques (elles-mêmes mouvantes), auprès de sanctuaires guérisseurs. Le moine est évangélisateur : autour de la Méditerranée, au contact des peuples païens. Le moine est ambassadeur : pour (ou contre) son roi, son empereur ; diplomate, entre les États occidentaux et orientaux, voire au sein d’un Empire pour dénouer des guerres civiles. Le moine subit encore certains déplacements : punitions motivées ou arbitraires, invasions ; le monachisme palestinien (sabaitique) vint façonner, face à l’invasion arabe, le monachisme byzantin plus au nord. Certains changent de monastère ou d’ordre, d’autres s’installent dans un autre pays (présence de moines syriens à Wadi Natrun en Égypte depuis le IXe s., d’Amalfitains, de Géorgiens ou de Serbes dès les Xe-XIe siècles au Mont Athos). Le moine est également un lien social : figure de civilité auprès de communautés proches, figure de contrôle auprès de dépendances (métochia-prieurés, monastères filles, éléments d’une confédération) qu’il vient inspecter. Plus largement, le moine est figure d’autorité pour la société : le saint homme – le plus souvent un saint moine – voit les foules venir à lui, mais il se déplace plus tard auprès d’individus bien nés, qu’il dirige spirituellement. L’errance, par ailleurs, est une ascèse en soi : vie apostolique de sans-abri, mendicité, folie en Christ (les saloi byzantins) ; mais de l’errance au vagabondage (celui des « tourneurs » dénoncés par Évagre le Pontique), voire à l’hétérodoxie et à l’apostasie, les chemins se croisent : comment savoir si le moine errant est orthodoxe ? Comment l’évêque peut-il s’y retrouver, le contrôler ?
Enfin, se substituant au déplacement physique, l’échange épistolaire (ou encore les ostraka en Égypte, comme l’archive de Frangé trouvé à Gourna pour la première moitié du VIIIe siècle) joue un rôle important à l’échelle locale à longue distance ; cette communication peut être triviale ou spirituelle. Parmi les correspondances médiévales les plus abondantes autour de la Méditerranée se trouvent celle de saints moines : Théodore Stoudite (758-826), depuis ses exils imposés pour son opposition à l’iconoclasme des empereurs byzantins, nous a laissé près de 560 missives ; la lettre monastique est un genre à mieux connaître. L’autre volet de notre programme dépasse l’individu ou la collectivité en mouvement. Il s’agit du voyage des idées, des règles, des usages ou des gestes monastiques. Pour cela, les monachismes autour de la Méditerranée doivent être étudiés non tant individuellement que dans leurs relations et leurs interconnections. Si le monachisme se pose comme un fait anthropologique total, on ne peut aborder les moines de Méditerranée comme autant de monades d’une invariable unité. La démarche historique doit proposer des échelles variées, selon la pertinence des cas d’études. Un exemple illustrera le propos : l’Italie méridionale continentale, au même titre que la Sicile, a été une zone de contacts entre Orient et Occident y compris au sein du christianisme et notamment dans le cadre monastique. La Calabre émerge comme une zone d’expérimentation où les instigateurs d’une revalorisation de l’érémitisme puisent leur inspiration. Ceci pose la question de la médiation d’un monachisme oriental, bien implanté dans la région, sur ce renouveau monastique. Les supports de ces déplacements d’idées doivent être abordés : production de manuscrits voués à l’exportation, traduction d’œuvres de référence ou de règles nouvelles. La question de la mobilité et de la circulation des moines, de la transmission des idées monastiques, des influences réciproques et des échanges d’expérience entre différents milieux monastiques de la Méditerranée à l’époque antique tardive et au Moyen Âge sont au centre du programme scientifique ici présenté. Ce programme s’adresse aux historiens, philologues et archéologues qui travaillent sur le monachisme dans les différentes régions de la Méditerranée. Il se déroulera autour de huit axes d’entrée offerts à cette double problématique de la mobilité des moines et des idées monastiques. Ces axes sont valables, ou susceptibles de l’être, tant en Orient qu’en Occident durant un long Moyen-Âge (du IVe au XVe siècle) :
1. Moines visiteurs, moines voyageurs
2. Changer de monastère, changer de règle, changer d’ordre
3. La communication entre moines : le quotidien, la spiritualité
4. Influences et emprunts : construire, diffuser, contrôler la norme monastique
5. La mémoire des origines : les récits de fondation monastique et leurs modèles
6. Le moine vu par les autres : le monachisme dans la littérature non monastique
7. Structures d’accueil ou de refuge
8. Diffusion des modèles architecturaux et de l’iconographie monastique

Partenaires italiens, français, internationaux.
Institut français d’archéologie orientale (Le Caire) ; École française d’Athènes ; UMR 8167 Orient et Méditerranée (Paris) ; UMR 8584 CERCOR-LEM (Centre Européen de Recherches sur les Congrégations et les Ordres Religieux - Laboratoire d'Études sur les Monothéismes) (Saint-Étienne) ; Université de Lyon/Université Jean-Monnet de Saint-Étienne ; LabEx RESMED (Paris)

Opérations prévues

  • 2013 : lancement d’un séminaire de formation doctorale à Athènes sur le thème : « L’architecture et la culture matérielle du monachisme oriental : l’exemple byzantin » ; Table ronde à Saint-Étienne, autour de la « règle de saint Basile » en Occident (Moyen Âge-époque moderne)
  • 2014 : Colloque international à Rome, consacré aux échanges et aux contacts à l’échelle locale et régionale
  • 2016 : colloque au Caire, concernant plutôt la longue distance et le dépaysement monastique.


Résultats attendus
La Table ronde devrait pouvoir trouver sa place au sein d’une revue (Revue Mabillon) tandis que les deux colloques seront publiés séparément en partenariat avec l’IFAO et le Labex RESMED.


Participation EFR

  • soutien logistique pour le colloque de Rome organisé en 2014 (ne vingtaine d’intervenants)
  • accompagnement financier régulier de l’EFR, à hauteur de 1000 à 1500 euros par an, sur les 5 ans du quinquennal.

 

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Contacts :

 

Prochaines manifestations et actualités

PROGRAMMES

Programmes structurants (2022-2026)

Axe 1 – Espaces maritimes, littoraux, milieux insulaires

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projets financés par l'Agence nationale de la Recherche (ANR)

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projet franco-allemand financé par l'Agence nationale de la Recherche (ANR) et la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG)

Axe 6 – L’Italie dans le monde

 

Projets européens (Horizon 2020)

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

 

Projets Impulsion

Axe 2 – Création, patrimoine, mémoire

Axe 3 – Population, ressources, techniques

Axe 4 – Territoires, communautés, citoyenneté

Axe 5 – Croyances, pratiques et institutions religieuses

 

 

 
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